La cristallisation émotionnelle

17/01/2022

Roue des émotons, de Robert Plutchik

On en parle souvent, comme d'un concept évident mais qu'est ce au juste que la cristallisation émotionnelle? 

Je partage avec vous ici ma compréhension de cette mécanique particulière et très répandue dans la construction de nos conditionnements délétères et enfermants. En séance on travaille souvent à débloquer, dissoudre une ou plusieurs cristallisations émotionnelles.

Ce phénomène est vécu par une personne lorsqu'elle se trouve confrontée à une situation, à fortiori stressante et que l'émotion ou la somme d'émotions que cela génère ne sont pas exprimées.

"Ce qui ne s'exprime pas s'imprime", (Jaques Salomé) c'est le principe de la cristallisation émotionnelle.

J'ai cherché la définition du mot émotion, parceque même si cela paraît évident, sait on vraiment expliquer ce qu'est une émotion?

Le Larousse nous dit ceci: 

(l'émotion est une) "Réaction affective transitoire d'assez grande intensité, habituellement provoquée par une stimulation venue de l'environnement"

J'ai trouvé ça un peu léger, alors j'ai cherché quelque chose de plus détaillé.

J'ai choisi de vous proposer cette définition de Wikipédia:

"L'émotion est une expérience psychophysiologique complexe et intense (avec un début brutal et une durée relativement brève) de l'état d'esprit d'un individu animal liée à un objet repérable lorsqu'il réagit aux influences biochimiques(internes) et environnementales (externes). Chez les humains, l'émotion inclut fondamentalement « un comportement physiologique, des comportements expressifs et une conscience ». L'émotion est associée à l'humeur, au tempérament, à la personnalité et à la disposition, ainsi qu'à la motivation."

A titre personnel j'aime beaucoup cette définition car elle souligne l'interconnectivité entre émotion (comportement expressif), corps (comportement physiologique) et mental (conscience). Tout est lié et c'est cela qui est l'essence de la manifestation de cristallisation émotionnelle. On ne pas dissocier le corps des émotions ni des pensées qui le traversent.

Une émotion par nature est mouvante, puisqu'elle est l'expression même de l'élan de vie. Une émotion est un signal, une façon de nous mettre en résonance à l'intérieur avec ce qu'il se passe à l'extérieur pour nous relier à notre environnement, nous accorder à lui et nous aider à adopter la meilleure posture en réponse. Il n'existe pas d'émotion "négative". Ni la colère si réprouvée par nos cadres sociaux, ni la peur, ni l'envie, ni le dégout sont des émotions négatives. Les émotions sont des antennes vives et incisives de décodage du monde. Comprises, explorées, accueillies et acceptées elles sont des guides précieux pour évoluer en harmonie entre nos besoins fondamentaux et ce que nous offre notre environnement.

L'exemple le plus parlant est probablement l'émotion dégout face à un aliment périmé, toxique ou simplement inadapté à nos besoins physiologiques profonds et justes. C'est une émotion inconfortable, elle nous fait froncer le nez, fait naitre la sensation d'écœurement... et nous éloigne de ce qui est mauvais pour nous. Mission accomplie! Le dégout peut être également ressenti face à une personne, une situation qu'elle soit vécue ou imaginée. Cette émotion nous invite à nous éloigner de ce qui est potentiellement délétère à notre bien être.  Acte de cruauté envers un animal, personne malintentionnée. C'est aussi notre système de valeur morale que le dégout préserve de ce qui pourrait nuire à notre équilibre. 

Il est intéressant de garder à l'esprit que nous ne sommes pas tous dégoutés par les mêmes choses. Cet encodage est multifactoriel et dépend de notre milieu familial, social, culturel et très largement de notre éducation. Et bien que l'on puisse catégoriser, hiérarchiser, trier dans les grandes lignes les émotions et leurs réactions associées, nous sommes chacune et chacun des êtres uniques, nos émotions le sont également. Nous avons globalement les mêmes émotions, elles sont globalement exprimées d'une façon similaire mais pas identique. Des variations importantes de l'expression d'une émotion, parfois même parfaitement opposées peuvent être observées. Pensez par exemple à cette amie qui exprime sa nervosité en riant, alors que vous êtes d'avantage portée à adopter une attitude fermée, voir hostile.

Les récentes avancées en neurosciences nous expliquent que nous ressentirions 27 émotions différentes et que la durée de vie de chacune d'elle dépends de nombreux facteurs: Environnement, capacité personnelle à comprendre et décoder le langage émotionnel, parcours de vie, disponibilité et taux de stress ambiant sont autant de paramètres influençant notre potentiel du moment à entendre, nous servir puis laisser passer l'émotion. Plus elles sont refoulées, niées, refusées, détestées plus leur durée de vie, paradoxalement à notre volonté, s'accroît. Par ailleurs on distingue les émotions primaires des émotions secondaires et tertiaires. Ce sont les déclinaisons d'émotions, les nuances des émotions "de base".

La roue des émotions de Robert Plutchik est un outil intéressant pour analyser et étudier les variations d'intensité au coeur d'une émotion primaire, ce peut être un guide très utile pour vous explorer, vous questionner et amorcer une réconciliation avec vos émotions en passant à travers ce prisme de lecture une situation inconfortable récemment vécue.

Par exemple dans un contexte d'agressivité ou de mépris de la part d'une autre personne, ne pas prêter attention à un sentiment de contrariété qui est le signal qu'une part de nous ne sent pas en sécurité physiquement ou émotionnellement peut nous pousser à nous diriger , inconsciemment, vers une situation similaire mais plus intense et qui va nous mettre en colère. Si celle ci n'est pas entendue, que nous réprimons ou nions la réalité de ce que nous ressentons et que nous ne travaillons pas sur les origines ni sur les solutions pour nous préserver et satisfaire nos besoins fondamentaux, il y a fort à parier que nous nous exposerons progressivement à vivre des situations qui vont finir par faire naître de la rage. Qui nous fera littéralement "exploser" ou nous créera à terme et à force de déni, un ulcère.

Si à aucun moment vous n'êtes en mesure d'accueillir, de reconnaitre, d'utiliser l'émotion alors elle se cristallise. Elle cesse d'être en mouvement, elle se fige en d'autres termes et devient un caillou émotionnel. Ce caillou va se déposer quelque part dans votre corps, sur le trajet d'un méridien, dans un organe et sera à l'origine de somatisations dont les manifestations sont variées. De la douleur récurrente inexpliquée aux dermites, inflammations, aigreurs d'estomac, irritabilité cyclique, impossibilité d'aller au bout d'un projet. Ce sont littéralement des cailloux dans vos chaussures, des barrages énergétiques. Vous n'êtes plus en mesure de vous adapter, vous êtes rigides, comme gelé dans une position de la quelle vous ne savez plus comment sortir. Et souvent le schéma se répète, comme pour vous forcer à enfin comprendre et guérir. 

Les cristalisations émotionnelles sont difficiles à cerner et repérer, d'une part parceque ces mécaniques se mettent en place sans que vous vous en rendiez compte, d'autre part car nous ne sommes pas éduqués à comprendre et entendre nos émotions.  Nos paradigmes sociaux valorisent l'intelligence mathématique, analytique et cartésienne, l'acuité mentale est estimée à travers la capacité pour un individu à résoudre des problèmes mathématiques abstraits. Hors cette forme d'intelligence est précieuse, mais elle n'est qu'une partie de ce que nous sommes.

Le corps et les les émotions sont fondamentaux et associés au mental, ils forment le triangle de la santé, principe d'approche hollistique sur le quel se basent les techniques de Kinésiologie.

Le corps a son langage, il est sacré, il est beau. Il n'est pas qu'un amas d'os, de viscères et d'organes qui doit se plier à la volonté implacable de notre mental.

Les émotions sont la poésie de nos coeurs, elles sont le lien intangible et si précieux au monde et aux êtres qui nous entourent, elles ne sont ni bonnes ni mauvaises, elles Sont. Il nous appartient de faire de leur présence un atout, une force et une ressource intérieure fiable et solide.

Voici quelques exemples d'émotions, de leur besoins induits et de la manière de les libérer. 

La colère nous dit que quelque chose menace notre intégrité physqiue, morale, psychique. Poser le cadre légitime de notre sécurité intérieure et extérieure est essentiel, un ton ferme et une posture alignée et forte expriment l'émotion sans agressivité et sans violence. Pleurer pourra être une façon d'évacuer sainement l'adrénaline que notre corps a sécrété pour nous aider à réagir efficacement.

La peur nous alerte sur notre capacité à affronter une situation, il est souvent judicieux de marquer un temps de pause, de faire ce pas de côté pour analyser la situation avec plus de recul et pourquoi pas de faire l'inventaire de ses atouts et de ses failles pour réviser une approche ou une stratégie. Danser peut être une bonne façon d'évacuer les tensions immobilisantes de la peur, remettre du mouvement de joie dans le corps est une manière vivante de la libérer.

La tristesse exprime un besoin d'être en lien, écouté, "pris en charge" le temps d'une confidence par un autre être, elle nous dit que le fardeau ne peut pas être porté seul/e. Solliciter ses amis ou un thérapeute, à défaut confier à une communauté en ligne et de confiance son bagage un peu lourd, par la voix ou l'écriture est une façon pertinente de répondre au signal de tristesse. S'entourer de douceur, prendre un temps pour soi, accomplir un rituel pour se faire honneur sont autant de moyens sereins de laisser partir la tristesse.

Dans tous les cas, reconnaitre, valider, utiliser et remercier l'émotion sont des étapes clefs de prise en main des rênes de nos quotidiens, pour sortir de l'ornière du conditionnement et enfin être libre.


Portez vous bien, 


Laëtitia.


(La version Audio c'est nouveau et c'est juste en dessous )